21 novembre 2025

Pour bâtir de grandes choses, il faudra former des bâtisseurs

Par Zabeen Hirji, Inez Jabalpurwala et Pari Johnston.

Cet article d’opinion est paru dans le Globe and Mail le 31 octobre 2025.

Zabeen Hirji est conseillère de direction auprès d’entreprises et de gouvernements, et ancienne directrice des ressources humaines à la Banque Royale du Canada.

Inez Jabalpurwala est présidente-directrice générale du Forum des politiques publiques.

Pari Johnston est présidente-directrice générale de Collèges et instituts Canada.

Le gouvernement fédéral s’est lancé dans un ambitieux programme de croissance économique pour l’édification de la nation, qui nécessite un programme tout aussi ambitieux de développement des talents et des compétences. Cette ambition est particulièrement évidente dans la volonté du gouvernement d’accélérer les grands projets, pierre angulaire de sa nouvelle stratégie industrielle pour stimuler la croissance.

Mais une grande question demeure : d’où viendront les talents et les nouvelles compétences? La réponse est claire : pour bâtir de grandes choses, il faudra aussi former des bâtisseurs.

Il faudra tisser des liens et harmoniser le programme d’accélération des projets du gouvernement avec son programme d’accélération du développement de la main-d’œuvre.

La réalisation des grands projets déjà inscrits sur la liste nationale – minéraux critiques, petits réacteurs modulaires (PMR), gaz naturel liquéfié, infrastructures, corridors – nécessitera des dizaines de milliers de travailleuses et de travailleurs qualifiés au cours de la prochaine décennie. Le projet de PMR d’Ontario Power Generation nécessitera à lui seul 1 600 travailleurs et travailleuses pendant la phase de construction.

Sans compter l’urgence de construire à la fois des millions de logements au cours des dix prochaines années et de nouveaux navires pour la marine, la garde côtière et Transports Canada.

Selon un rapport récent de Deloitte, en tenant compte des départs à la retraite d’ici 2034, le Canada pourrait avoir besoin de plus de 800 000 personnes dans le secteur de la construction. Et d’après un rapport du Forum des politiques publiques paru en 2023, il faudra plus d’un million de travailleuses et de travailleurs pour répondre à une demande d’électricité qui devrait doubler d’ici 2050 et pour doubler ou tripler l’offre actuelle.

Outre les grands projets, le Canada a également besoin de ressources humaines pour alimenter ses secteurs des sciences de la vie et de l’IA, qui pourraient tous deux stimuler la productivité.

Nous avons besoin de gens de métier, de chercheuses, de gestionnaires de projet, de spécialistes des autorisations, d’ingénieurs biomédicaux, d’expertes en sciences des données, de négociateurs avec les communautés autochtones, de techniciennes de laboratoire, d’analystes de la cybersécurité et de scientifiques de l’environnement, pour ne citer que quelques-unes des professions recherchées.

Nous avons besoin d’une approche nationale et coordonnée de développement de la main-d’œuvre qui fait concorder les stratégies du marché du travail avec les projets nationaux de construction, y compris les grands projets et le logement, pour nous assurer d’un avenir économique inclusif.

La première étape consiste à adapter les programmes d’études et d’immigration aux besoins de main-d’œuvre, mais ce n’est pas tout. Nous devons ensuite coordonner la stratégie industrielle, d’innovation et de développement de la main-d’œuvre avec les infrastructures afin d’attirer, de développer et de retenir les talents, et de permettre aux PME de grandir.

En particulier, les gouvernements devraient utiliser leurs leviers d’approvisionnement pour encourager les grands fournisseurs à investir dans le développement d’une main-d’œuvre locale. De plus, des mécanismes de financement provinciaux et régionaux pourraient soutenir les initiatives qui répondent directement aux besoins réels des entreprises locales.

Les gouvernements et les entreprises doivent s’attaquer au sous-investissement chronique dans la formation et le développement de la main-d’œuvre, et mieux relier les stratégies en matière de compétences aux besoins des entreprises.

En plus d’assurer la visibilité et la viabilité de la capacité de formation des établissements postsecondaires publics, il pourrait être intéressant d’accorder des incitatifs fiscaux aux entreprises qui investissent dans la formation et le développement de leur personnel. Des centres d’excellence sectoriels, basés sur le modèle de l’Alliance canadienne pour la formation et le développement de compétences en sciences de la vie, pourraient également être créés.

Rien de tout cela ne sera facile; en fait, l’exercice exigera un consensus politique rarement atteint au Canada. Mais c’est faisable.

Le Canada a ravivé son ambition de relancer l’économie. Cette ambition doit s’accompagner d’investissements judicieux dans la formation, le recyclage et la mise à niveau de femmes et d’hommes talentueux pour stimuler la productivité.

Nous avons là une occasion unique de développer nos ressources humaines pour assurer notre prospérité à long terme.