23 février 2024

La discussion collective sur la recherche et l’innovation au Canada doit intégrer les collèges et les instituts

Qu’ai-je en tête ? Avec Pari Johnston

Notre ministre de l’Innovation aime à le dire : la recherche d’aujourd’hui est l’économie de demain. L’année dernière, le rapport sur le système fédéral de soutien à la recherche («rapport Bouchard») indiquait clairement que l’approche du Canada devrait être plus stratégique, pluridisciplinaire et interdisciplinaire si l’on veut mobiliser l’écosystème fédéral de la recherche et de l’innovation pour relever les défis les plus pressants du pays (et du monde entier).

Au Nova Scotia Community College’s Centre of Geographic Sciences, cela se traduit par l’utilisation de systèmes topobathymétriques LiDAR pour étudier les surfaces terrestres et aquatiques. Un partenariat avec 3D Wave Design, une société d’animation et de communication en 3D détenue et gérée par des Autochtones, a ensuite permis de transformer ces informations en narration numérique.

Il s’agit là d’un parfait exemple de recherche axée sur les défis. Elle fait en effet appel à l’expertise des collèges et instituts en matière de recherche appliquée, à leurs réseaux de partenaires dans tous les secteurs ainsi qu’à leurs installations de pointe et ce, dans le but de trouver des solutions aux plus grands défis rencontrés par le Canada.

Dans le cas du NSCC et de 3D Wave Design, les cartes obtenues peuvent aider les collectivités locales des Premières Nations et les gouvernements à améliorer la modélisation des impacts du changement climatique, tels que l’élévation du niveau de la mer et les inondations fluviales. Lesdites cartes permettent même d’identifier l’emplacement des éoliennes dans le cadre de la transition des combustibles fossiles vers des sources d’énergie moins polluantes.

Le moment est venu pour les collèges et instituts

Nous sommes à un point crucial pour la recherche menée par les collèges et instituts. Il est en effet urgent d’aborder les grandes questions de politique publique, telles que l’offre de logements durables et abordables, la sécurité alimentaire, la préparation et la prévention des grandes catastrophes naturelles, la conception de villes et d’espaces respectueux de notre environnement, la transition vers des énergies propres et la prise en charge d’une population vieillissante. Chacun de ces domaines est pour les collèges et instituts un atout stratégique qui leur permet de faire partie intégrante de la solution. Ils peuvent pour cela mobiliser leurs forces collectives et leurs partenariats à valeur ajoutée pour répondre aux problèmes les plus complexes que connaît actuellement le Canada.

Prenons comme exemple les soins de santé. Au Centre for Innovation and Research in Unmanned Systems du SAIT, les chercheuses et chercheurs collaborent avec la Première Nation de Stoney Nakoda et les services de santé de l’Alberta pour mettre au point une flotte de drones évolutive. Celle-ci sera capable de prendre en charge les livraisons de produits médicaux et d’amplifier les signaux des drones dans les zones reculées.

C’est en mettant immédiatement en œuvre un tel projet que les collectivités rurales, isolées, nordiques et autochtones pourront bénéficier d’un accès meilleur et des plus fiables à des soins de santé salvateurs. Dans une optique plus large, et dans un monde où les catastrophes naturelles frappent plus fréquemment et avec plus d’intensité, ce type de solution peut être adapté pour mener à bien une évaluation des dangers et des risques pour les interventions d’urgence, ainsi que pour soutenir les premiers intervenants et apporter des informations en temps réel aux responsables des interventions d’urgence. Rappelons-le, ceci est d’autant plus vrai alors que l’an dernier le Canada a connu la pire saison de feux de forêt de son histoire.

Les défis mondiaux sont des défis communs

Le rythme de la recherche dans les collèges et instituts s’intensifie de près de 30% par an. En chiffres réels, et pour 2021-2022, cela équivaut à plus de 8 000 projets de recherche appliquée dans des domaines tels que la construction de logements et la fabrication de pointe, l’agriculture et la production alimentaire intelligentes face au climat, et l’innovation sociale. Un tel impact, une telle pertinence et une telle portée se traduisent par des avantages réels pour la population canadienne et pour la viabilité à long terme de l’industrie au pays.

L’autre élément du casse-tête réside dans le fait que les problèmes épineux transcendent les frontières. Dans un contexte de perturbation géopolitique et d’impératif de décarbonisation, l’économie ouverte du Canada évolue et les industries et chaînes d’approvisionnement mondiales sont redéfinies. Sans compter que des technologies telles que l’IA accélèrent le rythme du changement et transposent les lieux où se font les affaires.

La compétitivité mondiale est un moteur essentiel de la prospérité du Canada. La recherche appliquée des collèges et instituts génère une propriété intellectuelle qui reste entre les mains des partenaires de l’industrie canadienne, ce qui constitue un avantage unique. Des services tels que ceux proposés par l’Office of Research Services, Innovation, and Entrepreneurship du Durham College travaillent avec les PME canadiennes pour les aider à protéger la propriété intellectuelle canadienne au profit de l’économie canadienne. Les petites entreprises et les entrepreneurs sont l’épine dorsale de l’économie canadienne. Pour ces derniers, une telle gamme de services permet de renforcer leurs capacités d’innovation, de mieux les préparer et de les rendre plus compétitifs.

Tout récemment instauré, le programme fédéral «Du laboratoire au marché» donne au réseau des collèges et instituts une occasion supplémentaire de devenir un partenaire solide pour aider les entreprises à commercialiser les innovations canadiennes au pays et à l’étranger.

Des éléments tels que le nouveau statut du Canada à titre de membre associé d’Horizon Europe offrent de réelles possibilités aux collèges et instituts du Canada en les mettant en contact avec de nouveaux partenaires pour collaborer à des enjeux communs. Ce dernier est par ailleurs le plus grand programme de financement de la recherche et de l’innovation au monde. Il en va de même pour la participation stratégique des collèges au futur programme du Centre de recherches pour le développement international et aux accords en science, technologie et innovation conclus par le Canada avec des partenaires majeurs tels que les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, le Japon et les pays de la région indopacifique.

Un retour sur investissement solide

En tant que chefs de file de la recherche appliquée, nous pouvons être fiers du chemin parcouru et de l’impact que nous continuons à avoir partout au pays. À bien des égards, les forces qui nous ont permis d’en arriver là sont celles qui nous prépareront à l’avenir. Mais nous pouvons en faire davantage si nous envisageons l’investissement sous un angle différent.

Et c’est le Southern Ontario Network for Advanced Manufacturing Innovation (SONAMI), sous la houlette du Niagara College, qui me vient à l’esprit. Il s’agit d’un modèle qui rassemble des établissements (neuf collèges et deux universités à ce jour) pour mieux servir l’industrie par l’intermédiaire d’un point d’accès unique. Fort d’une expertise allant de l’automatisation à la simulation, en passant par la mise à l’essai de produits et l’optimisation des procédés, le réseau a déjà collaboré avec plus de 300 partenaires industriels sur 460 projets dans le sud de l’Ontario. Il aspire à une portée et à une envergure nationales.

Le SONAMI est un microcosme de notre réseau dans son ensemble. Un réseau dans lequel les collèges et instituts travaillent en synergie, échangent les meilleures pratiques afin de maximiser le retour sur investissement et étudient de nouveaux modèles qui font de leurs concurrents des collaborateurs tout en exploitant leurs avantages uniques. Les retombées immédiates renforcent les entreprises de la région. La vision globale révolutionne l’industrie.

Il nous faut améliorer la façon dont nous présentons l’impact de notre action

Ce ne sont ici que quelques-unes des pensées que j’ai eues à l’issue du Colloque national sur la recherche appliquée de CICan, «Cultiver l’impact». La nouvelle PDG que je suis a été inspirée de voir à Ottawa près de 150 responsables de la recherche appliquée des collèges et instituts et leurs partenaires partager leurs visions (et leur éthique de collaboration) en vue de renforcer la portée et l’impact de leurs activités.

Nous prévoyons de recourir plus souvent au pouvoir rassembleur de CICan pour réunir notre secteur et ses partenaires de l’écosystème. Nous souhaitons ainsi réfléchir de manière créative à des solutions, trouver des objectifs communs et réimaginer les programmes de recherche et d’innovation sous l’angle de l’impact. En d’autres termes, changer ce que nous pensions savoir ou croire possible.

Tous ensemble, nous pouvons faire évoluer notre message sur l’impact. Ainsi, lorsque les gouvernements, les bailleurs de fonds, les modélisateurs économiques et d’autres décideurs feront des projections à dix ans et planifieront une croissance alimentée par la recherche et l’innovation, c’est nous qui mènerons la discussion collective.

Nous avons tellement à partager et les enjeux sont bien trop importants.